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Les paradis perdus de Croatie, ce sont ces petits villages ou ports de pêcheurs méconnus, qui se trouvent bien souvent sur une île, à une extrémité, lorsque la route s’arrête et s’ouvre sur la mer. Ce sont ces endroits magiques qui donnent la sensation d’être au bout du monde, loin du chaos touristique et du tumulte, des écrins silencieux qui permettent de ressentir l’authenticité croate.
Ces petits villages sont nombreux, et sont rarement signalés dans les guides, c’est donc bien souvent la curiosité d’aller voir ce qui se trame au bout d’une route qui permet de les découvrir. Ils n’ont pas systématiquement une histoire à raconter mais offrent plutôt un aperçu de ce que pouvait être la Croatie des pêcheurs avant que les touristes ne viennent s’octroyer leur part de paradis. Ils sont d’ailleurs souvent fréquentés par les Croates eux-mêmes qui viennent y profiter du calme et de l’Adriatique.
L’ordre de présentation de ces villages est géographique, du nord au sud.
Lubenice (Cres)
Commençons avec Lubenice sur l’île de Cres, dont le slogan “No Stress in Cres” résume bien l’ambiance générale qui y règne. Lubenice se trouve au bout d’une route très étroite cernée par des petits murs de cailloux empilés comme il y en a des milliers en Croatie et de champs de figuiers et d’oliviers. Le village ne se trouve pas directement au bord de la mer, mais en surplomb sur une falaise qui domine de façon majestueuse (à 380m au-dessus du niveau de la mer) la partie sud du Golfe du Kvarner en regardant vers l’Istrie.
Le village est une ancienne cité fortifiée qui compte une trentaine de maisons antiques, quasiment toutes vides. Trente c’est aussi le nombre d’habitants du village, avec une moyenne d’âge qui tourne autour de 75 ans. Il existe une légende qui explique les origines du village comme c’est souvent le cas en Croatie. Il était une fois un roi qui régnait à Osor (à l’intersection entre l’île de Cres et celle de Losinj). Sa fille rendit fou d’amour un jeune qui habitait dans les collines, dans le village de Lubenice. L’amour était réciproque, mais le roi, pas convaincu par le choix de sa fille décida de la chasser de son village. La princesse prit la fuite avec son amoureux et continua à vivre dans les collines. Elle s’appelait Ljubica et donna son nom au village de Lubenice.
Du haut de la falaise on aperçoit en contrebas la très jolie plage de Lubenice (Plaža Sveti Ivan) aux eaux cristallines qui peut se rejoindre en une petite heure de marche, mais attention le chemin est escarpé, il est vivement conseillé d’avoir des chaussures adaptées.
Lun (Pag)
Passons à Lun sur l’île de Pag, qui est la cinquième plus grande île de Croatie. Elle est surtout connue pour ses clubs géants qui se remplissent de jeunes touristes venus des quatre coins d’Europe pendant l’été, et pour sa production de fromage (le Paški Sir). C’est une île très aride qui offre des paysages quasiment lunaires sur sa partie orientale.
Le village de Lun se situe à l’extrémité nord de l’île au bout d’une langue de terre très étroite d’une vingtaine de kilomètres et fait face à l’île de Rab. Cet endroit incontaminé (ce qui dénote par rapport au reste de l’île) mérite vraiment le détour pour y passer quelques heures (ou quelques jours) loin du tumulte. Plusieurs plages de cailloux idéales pour pratiquer le snorkelling, quelques restaurants pour déguster des fruits de mer ou du poisson frais et un jardin d’olivier (Olive Gardens Of Lun) de 80 000 plantes, ce qui en fait la plus grande réserve naturelle d’oliviers sauvages au monde, avec un spécimen qui aurait plus de 1600 ans.
Muline (Ugljan)
Muline est un véritable coup de cœur. Le village se trouve sur l’île d’Ugljan dans l’archipel de Zadar. Il y règne une atmosphère de sérénité totale, comme si le temps s’était véritablement arrêté. Une seule route, quelques maisons, des restaurants qui proposent le poisson frais des pêcheurs, mais surtout un coucher de soleil à couper le souffle derrière les îles de Rivanj et Sestrunj qui font face au village. Un petit paradis fréquenté néanmoins par des locaux et de plus en plus d’italiens qui ont trouvé là un endroit facilement accessible (1/2 heure de bateau entre Zadar et Preko) et totalement relaxant.
Pour la petite histoire Pline l’Ancien nommait l’île Lissa. L’île est pour la première fois mentionnée sous son nom actuel en 1325. Très peuplée sous l’empire romain, elle est toujours aujourd’hui l’une des îles les plus peuplées de l’Adriatique (on parle de 6000 habitants au total), mais c’est comme si le village Muline avait été épargné. Des fouilles ont permis d’établir que la production d’huile d’olive sur Ugljan existe depuis plus de 2 000 ans et elle en tire son nom puisque ulja signifie «huile d’olive».
L’île d’Ugljan est reliée à l’ïle de Pasman par un pont à son extrémité sud, cela vaut le coup d’aller y faire un tour et de découvrir de nombreuses petites plages au bout de routes de terre où personne ne semble encore vouloir se rendre. Tranquillité garantie.
Veli Rat (Dugi Otok)
Nous voilà sur l’île de Dugi Otok, qui signifie la Longue île. Son nom provient de sa forme étirée, en effet elle fait 45 km de long et entre 1 km et 4 km de large, mais c’est malgré cette forme étrange la plus grande île de l’archipel de Zadar. L’histoire de Dugi Otok remonte à des milliers d’années, des vestiges d’habitat dispersés et des restes humains datant de la préhistoire ayant été retrouvés sur l’île dans la grotte de Vlakno. L’empereur byzantin Constantin Porphyrogénète mentionne l’île au milieu du 10ème siècle sous le nom de Pizuh.
Difficile de choisir un ‘paradis perdu’ sur cette île car elle bénéficie d’un cadre naturel calme et préservé, il en existe donc plusieurs, mais puisqu’il faut choisir, j’ai tout de même un petit faible pour la partie nord de l’île, en particulier pour le petit port de Veli Rat. Rien de particulier à signaler dans ce village à part une tranquillité remarquable. En continuant sur la route jusqu’à la pointe septentrionale de l’île se trouve le phare de Veli Rat, le plus haut de l’Adriatique (42m). Au pied du phare vous trouverez le Camp Kargita, un camping familial qui mérite vraiment de s’y attarder pour profiter de la zone, s’adonner au snorkelling et se reposer dans un cadre fantastique.
En revenant sur vos pas sur la route principale de l’île, vous trouverez la baie de Sakarun, et sa grande plage de sable. Qui dit sable en Croatie dit touriste, je conseille donc de s’y rendre tôt le matin pour profiter de l’endroit avant qu’il ne soit pris d’assaut. En continuant sur la route principale vous pouvez vous arrêter pour un déjeuner à Bozava, un charmant village endormi qui propose néanmoins quelques restaurants sympathiques pour déguster du poisson frais.
Au sud de l’île se trouve Sali, le centre culturel et administratif de l’île, un village très agréable. C’est également un des points de départ vers le Parc National Kornati, composé de 89 îles disséminées sur une surface de 220 km2. De Sali il est également très simple d’accéder au Parc Naturel de Telašćica crée en 1988 pour préserver la bio-diversité de la zone et qui couvre toute la partie méridionale de l’île de Dugi Otok. Le parc est composé d’une grande baie, de falaises abruptes qui culminent à 161 m et donnent sur le large de la mer Adriatique en direction de l’Italie, et du lac salé Mir. Le panorama des falaises, notamment du belvédère Grpašćak en direction des parcs de Telašćica et de Kornati, est exceptionnel.
Loviste (Pelješac)
Direction le grand sud de la Croatie à Loviste, un minuscule village qui se trouve à l’extrémité nord de la presqu’île de Pelješac, le berceau des vins rouges croates de haute qualité, en particulier le Dingač et le Postup, dont les vignes (Plavac Mali) poussent sur une zone protégée, abrupte et très ensoleillée le long de la mer.
Il existe différentes possibilités pour arriver sur la presqu’île de Pelješac, soit par la route si vous venez du sud, par exemple de Dubrovnik, en passant par Ston et sa muraille, lointaine cousine de celle de Chine, qui peut se prévaloir d’être la plus grande d’Europe, soit par bateau si vous venez du nord de la Croatie en prenant le ferry à Ploce qui vous fera débarquer à Trpanj sur la côté orientale de l’île. De là il faut se rendre à Orebic, un gros bourg sympathique d’environ 4000 habitants, connu pour son monastère franciscain, et qui est aussi le point de départ pour l’île de Korčula.
En effet beaucoup de touristes vont directement à Korčula qui se trouve en face d’Orebic (20 minutes de traversée en bateau), mais cela vaut pourtant le coup de continuer la route en direction de Loviste, village perdu au fond d’une large baie à 20 km au nord d’Orebic, un véritable havre de paix, hors des sentiers battus. Pas de voitures autorisées, donc tout le monde circule à pied ou à vélo, quelques restaurants fréquentés par les locaux (228 habitants au dernier recensement) et surtout la sensation de profiter de la Croatie pour ce qu’elle a de meilleur à offrir: authenticité, simplicité et tranquillité.
Račišće (Korčula)
Nous voilà donc à Korčula, magnifique île du sud de la Croatie, qui malgré le fait qu’elle soit très fréquentée l’été, propose de nombreux endroits secrets où le touriste de base ne s’aventure pas. La vieille ville de Korčula mérite vraiment un détour pour se perdre dans ses ruelles et découvrir sa riche histoire (notamment le mythe de Marco Polo qui serait né à Korčula), mais je préfère m’attarder sur la route qui longe la côte nord de l’île et sur laquelle vous trouverez de jolies petites criques, le Kamp Oskorušica, un camping charmant pour dormir sous les oliviers avant d’arriver à Kneza, un petit village avec une plage peu fréquentée et peu profonde idéale avec des enfants pour finalement se terminer à Račišće, petit port qui se trouve dans une baie protégée où il fait simplement bon vivre.
La route semble s’arrêter mais en réalité elle continue et se transforme vite en chemin de terre conduisant à un endroit merveilleux, la baie de Samograd (Uvala Samograd). Il faut se garer sur le bord de la route de terre, et descendre ensuite à pied pendant une vingtaine de minutes vers la mer, pour découvrir cette magnifique baie, sauvage, peu fréquentée, agréable aussi bien le matin que le soir, et permettant de se baigner dans un environnement naturel absolument intact. C’est un de mes endroits favoris en Croatie.
Tout comme le Konoba Mate, un restaurant familial qui se trouve à Pupnat à quelques kilomètres dans les terres au-dessus du village de Kneza (la route escarpée entre les deux villages offre d’ailleurs des points de vue exceptionnels). Ce restaurant est tout simplement le meilleur restaurant où j’ai mangé en Croatie, tout y est délicieux, préparé avec amour par tous les membres de la famille, avec des produits frais à peine cueillis dans leur jardin. Une expérience culinaire que je conseille vivement. C’est d’ailleurs dans ce restaurant que j’ai découvert le formidable vin blanc Pošip Sur Lie produit per Krajančić à Zavalatica, un village de la côte sud de l’île.